ONIRIQUE
10/02/17 17:39 Classé dans :
BDLes éditions Urban-Comics viennent de rééditer dans une très belle collection l'intégrale des aventures du roi des songes Sandman de Neil Gaiman… Une belle réussite !

Compilées dans sept beaux volumes de 500 pages, les aventures de l'anti-héros le plus réussi de l'Heroic-Fantasy américaine viennent de revoir le jour chez Urban-Comics. La première chose frappante en possession du tome un est probablement la forte odeur d'encre qui emplit la pièce où est entreposé le livre. En effet, l'éditeur n'a pas lésiné sur la qualité d’impression — réalisée sur des presses hispaniques — où la quantité d'encre retranscrit à merveille la noirceur des nombreux illustrateurs ayant donné vie au Sandman. À tel point, d'ailleurs, que le volume un en ma possession a quelques ratés, le papier ayant probablement bougé en cours d'impression, ce qui rend la lecture d'une vingtaine de pages illisibles... Ce qui n'arrive pas sur livre numérique... Je sais, c'est facile...
Le premier tome livre les épisodes 1 à 16 durant lesquels on découvre ce héros hors du commun aux prises avec une bande d'allumés opaques l'ayant kidnappé et enfermé durant presque un siècle. Le Sandman ayant eu — de facto — le temps de préparer son évasion, n'a plus qu'une idée en tête : se venger des fous inconscients qui ont décidé de son enfermement.
Dessinées par plusieurs illustrateurs, les vignettes offrent des styles différents sans toutefois que cette diversité nuit au très beau scénario de Neil Gaiman... On est loin de la puissance des dessins d'un Frank Gary — dessinateur de plusieurs Batman entre autres chez Vertigo — mais pourtant l'ensemble colle parfaitement à l'univers onirique du héros, tout en noirceur et couleurs sombres. On remarquera surtout la modernité de la mise en page propre aux éditions Vertigo, splendide !
Il est difficile de résumer un tel récit et de plus, cette gageure tournerait au non-sens le plus complet tant il faut lire et non raconter le Sandman. De la même manière qu'un rêve rapporté ne donne jamais la pleine puissance de son contenu. Ici, Neil Gaiman s'en donne donc à cœur-joie, emportant son lecteur dans les recoins les plus isolés des rêves les plus fous, les plus imprévisibles. Le Sandman est terrible. Sorte de Dieu du sommeil, probablement psychotique de génie, il n'a pas accès à la symbolique et par conséquent, rien ne semble pouvoir le toucher. Il reste de marbre devant des situations humaines dramatiques, il aide, parfois, mais toujours dans son sens et jamais comme le ferait un être humain. N'oublions pas qu'il est le maître des rêves et non l'un de ces stupides hominidés. Sa sœur, Delirium, est d'ailleurs la mort, encore plus intransigeante, elle fait son travail, sans état d'âme... simplement son travail... Curieuse famille...
Les tomes 1, 2 et 3 sont parus et donc disponibles à la vente alors que le volume 4 est annoncé pour le 23 mai 2014.
Si vous ne deviez lire qu'un épisode du Sandman, je vous propose de vous plonger dans la seconde aventure du tome 2, Un rêve de 1000 chats. Une bande de chats s'attroupent dans un cimetière pour écouter une vieille chatte sage leur expliquer qu'au commencement l'homme était sous le joug des chats. Ce n'est qu'en raison d'un rêve réalisé par un millier d'hommes que la situation s'inversa et plaça le chat sous la féodalité humaine. La sage féline réclame alors aux chats présents de tous se mettre à rêver du basculement de l'humanité pour qu'elle se retrouve à nouveau sous la coupe féline. Les dernières vignettes montrent un chaton en train de rêver sous les regards admirateurs de ses propriétaires.
Vous ne regarderez plus votre chat de la même manière...
La grande particularité des aventures de ce singulier marchand de sable réside dans son incroyable aptitude à captiver. Non seulement, il est très difficile d'en stopper la lecture — comme si le lecteur était littéralement aspiré par les songes, fasciné par les pages noires de l'histoire — mais plus encore les personnages restent ancrés dans la mémoire et squattent longtemps après avoir refermé le livre, les limbes brumeuses étouffant à l'excès le cerveau du lecteur. Ce n'est pas un hasard si le récit a reçu le prix World Fantasy pour le très bel épisode Songe d'une nuit d'été — à lire dans le tome 2 — et fait dire à Norman Mailer — célèbre auteur des Nus et les morts ou bien encore Un château en forêt — que Sandman était une bande dessinée pour intellectuels.
À posséder de toute urgence dans sa bibliothèque papier... Tags: Sandman, Science-fiction, Livres