POTION DE DRUIDES

Sous couvert de guerres de religions entre la Rome chrétienne et les druides issus du paganisme, les auteurs de cette bande dessinée hors du commun emmènent leurs lecteurs très loin, dans la vieille Bretagne des légendes lointaines...
druides

Nous sommes donc vers la fin du Ve siècle. Les scénaristes
Jean-Luc Istin et Thierry Jigourel ont copieusement étudié leur sujet afin de documenter — trop  ? — leur livre au plus près de la réalité historique abondemment disséminée par des auteurs bretons tels que Christian J. Guyonvarc'h, Françoise Le Roux ou l'auteur de bandes dessinées Erwan Seure-Le Bihan. Le premier reproche indéniable à opposer à l'histoire est sa ressemblance profonde avec celle du livre de Umberto Eco, Le nom de la rose. Cependant, il faut bien admettre que ce best-seller a tant inondé les librairies et les salles obscures — par son adaptation cinématographique à succès éponyme de Jean-Jacques Annaud — qu'il semble bien difficile de faire parler un vieux sage auprès d'un jeune néophyte sans éviter la comparaison. La passation du savoir n'en demeure pas moins un sujet de choix pour la littérature et les auteurs ne vont tout de même pas s'en priver sous prétexte qu'un excellent livre a traité le sujet brillamment... Partant de ce principe, rappelons que Merlin l'enchanteur des studios Disney utilisait et ce, bien avant Le nom de la rose, la même ficelle. Au-delà de la comparaison, il reste un scénario bien ficelé avec une vraie histoire — ce qui n'est pas, loin s'en faut, le cas de toutes les bandes dessinées éditées à ce jour — ornée de repères historiques bien agréables à lire. Du bel ouvrage...

L'histoire conte la rivalité féroce entre le Christianisme conquérant et les druides de l'époque, soucieux de ne pas s'écarter de leurs croyances ancestrales. Des moines sont découverts morts et mutilés, portant des signes mystérieux inscrits sur la peau. Les soupçons se portent immédiatement sur les druides dont les signes retrouvés sur les corps des victimes — les Oghams — sont issus de leur langage. Mais deux moines en doutent, en effet, il n'est rien de plus facile que de falsifier cette écriture pour désigner facilement un coupable idéal... Ils décident alors, contre toute attente, de désigner un enquêteur improbable... Gwenc'hlan, druide lui-même  !

Le vieux druide part alors enquêter, suivi du jeune Taran, jeune apprenti druide, sur les tenants et les aboutissants de ces crimes. Ils sont tous deux reçus par le moine Budog, ami intime de longue date avec Gwenc'hlan. Leur quête les mènera vers une légende, jalousement conservée par l'un des moines décapités, celle de Talwrc'h, picte fils d'une femme de l'autre monde et initié d'Avalon...
Le récit reste très ancré dans les légendes qui ont fait celle de la Bretagne et du monde celte en général, et s'articule autour d'une enquête policière bien menée qui devrait plaire même aux plus réfractaires au récit historique.

Les dessins de Jacques Lamontagne sont sublimes, aidés par une mise en page flamboyante et très esthétique. Les couleurs parfois un peu vieillottes de certaines vignettes contrastent cependant avec la noirceur des traits des meilleures d'entre elles.

Bref, par Toutatis, un bon moment à passer en compagnie de ces druides bien sympathiques et passionnants. Une question cependant, pourquoi avoir donné pour visage au héros principal des traits aussi proches de ceux de Sean Connery  ? N'est-ce pas là tenir le bâton pour se faire battre  ?