NID DE COUCOUS
10/02/17 20:11 Classé dans :
PolicierUn mois auparavant, il y a fort à parier que je n’aurais sans doute pas critiqué ce livre vendu à quelques centaines d’exemplaires en Grande-Bretagne.
En effet, The Cuckoo's Calling, traduit en Français par L'Appel du coucou, de Robert Galbraith n’aurait pas attiré mon attention et pour tout dire, je ne l’aurais sans doute jamais lu. À ceci près, qu’il s’agit là d’un pseudonyme derrière lequel se cache l’auteure célébrissime de Harry Potter…
Commençons par l’histoire qui tourne autour de l’objet lui-même. Sorti sous un pseudonyme – masculin qui plus est – L’appel du Coucou parait en Grande-Bretagne sous le nom d’auteur Robert Galbraith, ancien militaire ayant décidé de tâter de la machine à écrire en publiant son premier roman, un policier bien ficelé. L’auteure J.K. Rowling nie aujourd’hui toute velléité de coup médiatique. Sincèrement, elle avoue avoir recherché la tranquillité et tenter de retrouver le goût du premier roman. Tout aussi sincèrement, ici, nous en doutons fortement. Premièrement, comme par enchantement, le livre sort, sans tambours ni trompettes, et alors que ses ventes n’ont rien d’extraordinaire, 1500 exemplaires d’après Le Figaro, des commentaires de lecteurs viennent se placer sur le site Amazon en doutant que le roman soit le premier de l’auteur. Très rapidement, d’autres suspectent un auteur connu de se cacher derrière ce Robert sorti de nulle part… Or, si le roman est bien écrit et bien mené, il n’a absolument rien d’exceptionnel et reste très loin de ce qu’avait sorti en son temps un certain Émile Ajar (alias Romain Gary). Bien malins sont donc ces lecteurs d’avoir flairé la patte d’un maitre dans ce cri du coucou policier ; De plus, la supercherie passée, si tel est bien le cas, pourquoi alors avoir déjà prévu la suite, toujours sous le même pseudonyme, alors que tout le monde connait l’histoire à présent ?
Nous connaissons trop bien le monde du livre pour savoir quel mal il faut à un écrivain pour obtenir une première critique, un petit intérêt d'un journaliste sur son livre. Et ceci, même si le jeune écrivain en question est le plus doué de sa génération. Qu'un livre sorti anonymement devienne l'objet de tant d'attention, alors même que son contenu n'a rien — répétons-le — d'éblouissant, tient du prodige. Le prodige en question étant soit une fumisterie, soit une fuite bien organisée. La suite montrera que la seconde hypothèse semble être la bonne. N'en déplaise à nombre de journalistes n'ayant pas bronché, ni trouvé étonnant ces faits A-hu-ris-sants !
Par ma barbiche, nous prendrait-on pour des coucous tout frais ? À en croire J.K. Rowling, elle aurait cherché à retrouver les sensations du premier livre… La galère, quoi ! Nous avons une autre proposition à faire — vu que les ventes du coucou ont explosé depuis la révélation et atteignent même le haut du hit-parade aux États-Unis — pourquoi ne pas utiliser d’autres pseudonymes pour écrire ses propres livres, histoire de connaître à nouveau la galère de l’écrivain inconnu, et prêter son nom d’auteur, devenu trop difficile à porter pour elle, à de jeunes écrivains qui vivent chaque jour la galère tant recherchée par la génitrice de Harry Potter et qui s'en accommodent fort mal ? Voilà qui contenterait tout le monde... Depuis, après avoir tenté de démontrer qu'une société de production avait proposé, avant la révélation, d'adapter le coucou pour la télévision, l'auteure a finalement annoncé avoir été trahie par son cabinet d'avocats et avoir porté plainte et obtenu réparation — combien ? On ne sait pas... mais tout a été reversé à une association caritative aidant les victimes de la guerre —, en attendant, le coucou se vend bien mieux que le précédent livre de J.K. Rowling, post Harry Potter, Une place à prendre qui avait rencontré — certes des ventes conséquentes — mais en raison de la notoriété de l'auteure plus qu'aux critiques mitigées sur le contenu effectif du roman.
Bref, venons-en donc à l'histoire elle-même. À Londres, un top-modèle célèbre est retrouvée morte, tombée de son balcon. L'enquête conclut à un suicide, malgré qu'une voisine assure avoir entendu une dispute éclater dans l'appartement de la célébrité avant le drame. Le décor étant planté, J.K. Rowling — pardon Robert Galbraith — présente ses personnages. Robin, une jeune femme sympathique qui vient tout juste d'être demandée en mariage par son fiancé et qui doit commencer le lendemain une mission intérim de secrétaire chez un détective privé, Cormoran Strike, fauché, ancien d'Afghanistan, gras du bide et éminemment attachant en raison d'une rupture amoureuse précoce. L'enquête lui est, évidemment, confiée par le frère de la victime qui doute de la véracité de la thèse du suicide.
Autant le dire tout net, s'il ne brille pas par son originalité — tous les ingrédients du genre sont réunis dans le livre — il faut reconnaître que J.K. Rowling— pardon Robert Galbraith — sait écrire et aime son prochain. Et c'est probablement cet amour inconditionnel du genre humain qui permet à l'auteure de produire des personnages aussi attachants. Car c'est bien là tout l'intérêt du livre. En dehors d'être un policier de bonne facture, nous dirons l'œuvre d'une élève consciencieuse, le roman vaut surtout pour ses galeries de personnages et leurs réflexions sur la vie, la mort, l'amour ou bien encore la célébrité.
On passe un bon moment et c'est bien là l'essentiel, même si — comme toujours dans les romans américains — l'histoire souffre de ses nombreuses invraisemblances qui ont malgré tout le mérite d'offrir un rythme soutenu à l'action. Après tout J.K. Rowling — pardon Robert Galbraith — n'est pas Kant...
Tags: Policier , J.K.Rowling, Galbraith