ENNUI MORTEL

La BD culte de Robert Kirkman et Tony Moore vaut-elle vraiment tout le fric et la démesure qui lui ont été accordée  ?
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L'histoire — on n'ose parler ici de scénario — tient à peu près en deux lignes. Un flic se réveille d'un long coma et découvre que le monde est envahi par une bande de morts-vivants venus béqueter les humains... Et c'est à peu près tout  ! Vraiment tout  ? J'entends déjà les cris d’orfraie — des aficionados, pas des zombies... — qui vont hurler au sacrilège, au crime de lèse-majesté  ! Je les imagine déjà expliquer qu'il y a une réelle dimension psychologique dans l'histoire que l'on découvre au fur et à mesure des rencontres de Rick Grimes (le flic qui roupillait pendant que le monde subissait l'invasion des moribonds affamés) avec les autres survivants recherchant désespérément leur foyer. Il y a en réalité autant de psychologie dans ce récit que dans le magazine éponyme qui confond cette science humaine avec les rédactions de Elle ou Biba...

Soyons sérieux, factuellement, ce qui dérange en tout premier lieu est le manque cruel — pour l'histoire, bien entendu — de dialogues réels et inspirés. Voyez ce qu'on trouve dans les pages 9 à 15  :

Désolée de lâcher le lecteur dans un tel suspense, mais je ne voudrais pas à avoir à payer des droits d'auteur en publiant ici plus de textes issus des vignettes de Walking Dead... On s'étonnera ensuite que Grand Corps Malade est tombé comme sujet du baccalauréat  !
Certes, je grossis un peu le trait, mais les passages sans texte sont légions et ce qui est pour le moins curieux, est que les fans de la série se plaignent de la lenteur de l'adaptation télévisuelle de leur bande dessinées favorite... Adaptation qui colle à l'œuvre en proposant autant de dialogues que dans un Chaplin muet... Le fil conducteur du récit se cantonne à explorer les difficultés de cohabitation des survivants condamnés à côtoyer les autres afin de pouvoir survivre... Une sorte de Koh Lanta griffonné au crayon à papier... Car les dessins — on peut en apprécier le style — sont plus des esquisses qu'un travail abouti. Nombre de dessinateurs de BD considéreraient ici qu'il s'agit-là du premier jet qu'il faudra encrer puis coloriser ensuite. C'est tellement vrai que certains lecteurs assidus ont bien du mal à reconnaître les personnages récurrents au fil des tomes de la série tant le dessinateur reste dans le minima acceptable pour une BD...

Revenons à l'histoire de ce tome Un... Le mécanisme utilisé est vieux comme le monde et ne déplairait certainement pas au conte Dracula. Il suffit de se faire mordre par un des morts-vivants pour en devenir un à son tour. Du coup, la ville entière s'est transformée en personnages du clip Thriller. Rick Grimes découvre avec effroi que sa femme et son fils ont probablement été happés par la machine infernale et sont donc — peut-être l'avez-vous deviné  ? — devenus des zombies à leur tour. Mais, le suspense est de courte durée puisque très vite et heureusement pour lui, il retrouve comme par enchantement femme et progéniture en pleine forme, aux alentours de la ville, dans un camp de fortune. Pour la suite, l'histoire tourne autour de la survie avec l'évidente nécessité de trouver des armes. Notre héros accompagné d'un acolyte se barbouille du sang d'un zombie mort afin de masquer leur odeur de vivants et tente de trouver des armes dans la ville peuplée d'habitants cannibalisés par la mort... Et là, pas de bol, la pluie se met à tomber... Flic, flac, l'odeur du sang du zombie s'en va et les morts-vivants ne sont pas contents du tout de s'être faits berner...

Je ne raconterai évidemment pas la suite afin de ne pas décourager les lecteurs de lire la BD dans son intégralité.

En conclusion, si certaines planches sont plus réussies que d'autres, si l'on peut saluer l'effort consacré aux personnages nombreux et assez différents les uns des autres, l'histoire en revanche reste très prévisible, axée principalement sur le postulat de ne rien dire afin de forcer la main pour l'achat des tomes suivants. Ce n'est pas vraiment critiquable en tant que tel, nombre de BD fonctionnent sur ce principe. Mais, avant tout, le manque de recul, d'humour et de second degré rend l'ensemble un peu indigeste, peu passionnant et parfois, disons le mot, mortellement chiant  ! À tel point que l'on a quand même l'impression de lire un truc pour adolescent attardé et on ne tarde pas à connaître la mélancolie au souvenir du père de cette série  : «  Creep Show  », série où l'humour restait le maitre mot.

Pour finir, je n'aurais qu'un seul mot  :  «  Whump  !  »