ASTERIX CHEZ LES PICTES

Me voici enfin en possession du très attendu Astérix chez les pictes de Jean-Yves Ferri et Didier Conrad. Voici mon opinion contrastée...
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D’emblée, les traits surprennent, les images fournies par l'éditeur étaient bluffantes, mais la lecture de la BD complète se présente dérangeante. Même si, au fil des vignettes, le sentiment se dissipe un peu quelque chose dérange. À force de me poser la question et d'épier le dessin de chaque case, je parviens à identifier des anomalies dans les visages si familiers des gaulois et surtout quelques maladresses dans le tracé des corps des célèbres guerriers et plus particulièrement des gros personnages. Eh oui, ce n'est pas aussi simple que ça de reproduire la plume si plaisante d'un génie comme Uderzo. M'enfin, petit à petit, l'œil s’accommode de ces changements et seules quelques vignettes dérangent encore la lecture, notamment sur les paysages et les bagarres traditionnelles contre les pirates qui semblent manquer de rythme, d'énergie, comme si les gaulois avaient été soudainement privés de leur fabuleuse potion magique.
Autre souci majeur, pour nous, les yeux d'Astérix ne sont pas finis. En effet, le dessinateur semble s'être inspiré des premiers dessins d'Uderzo. Or, par la suite, les yeux ont été travaillés et fermés par une ligne parfaite, ligne absente dans la nouvelle mouture... Pourquoi  ?

L'histoire s'inscrit dans la droite ligne des albums écrits par Goscinny sans pour autant en atteindre la perfection. On regrettera par exemple l'apparition de ce romain, en début d'histoire, venu pour un recensement dont on se demande l'intérêt pour la suite du récit — en fait, aucun — et la minceur des gags le concernant proche de l'ennui.
Autre regret, l'apparition du monstre du Loch Ness qui gâche un peu nos retrouvailles avec le couple de Gaulois. En effet, cette présence rappelle les pires moments de l'époque où Uderzo confondit son œuvre avec celle de Peyo (toute déférence gardée envers l'auteur des Schtroumpfs) en intégrant des animaux fantastiques dans un récit où il n'en fallait pas. Il eût été préférable — et ce n'est que notre avis — de jouer avec le mythe en faisant croire aux romains à l’existence du monstre. Le scénario aurait pu alors laisser les Ècossais — pardon, les Pictes — expliquer qu'il s'agit-là d'une blague qu'ils laissent se diffuser avec succès dans le pays, quitte à le voir apparaître en filigrane lors du retour des Gaulois en France... Mais, bon...
Cependant, quelques bons moments parsèment ce nouvel opus du Gaulois ailé avec notamment les élections pictes qui donnent l'occasion à l'auteur de brocarder nos propres campagnes électorales et l'époque attendait bien cela. C'est à mon sens un des atouts de l'histoire, puisqu'elle s'inscrit dans la tradition goscinnyenne qui consistait à placer des préoccupations contemporaines dans le récit, contribuant à accentuer l'empathie des Français pour le Gaulois. En ce sens, c'est là une réussite.
Pour conclure, cet épisode New-age des aventures d'Astérix atteint sans doute la qualité du Grand fossé — ce qui n'est déjà pas si mal — mais en aucun cas celle de l'époque Goscinny. Le plaisir est là, sans hésitation, mais pas la jubilation que procure encore aujourd'hui la lecture d'épisodes tels Le cadeau de César ou Astérix chez les Helvètes. Cependant, la preuve est faite qu'Astérix peut revivre pour peu que le scénario revienne vers plus de réalisme et évite les clichés cul-cul, malheureusement encore trop présents dans cette aventure.